Les questions de mobilité sont devenues une priorité majeure pour les bruxellois·es. De plus, qu’on soit cycliste, usagers des transports en commun ou automobiliste, chaque jour on doit faire usage de la marche. C’est pourquoi, en tant qu’organisation représentant les piéton·nes Walk appelle à une ville à taille humaine où le principe STOP[1] est appliqué. La marche représente le premier mode de déplacement à Bruxelles (Beldam 2010) et le premier mode de transport des bruxellois·es, la part modale étant de 36% de personnes faisant usage de la marche comme premier mode de déplacement, loin devant les autres modes (ECD 6, 2022).
Avantages de la marche (universel, peu coûteux, accessible, pour tous)
La marche à pied est, sans conteste, la seule mobilité à rassembler toutes les vertus. Elle est la plus économique (elle ne coûte rien, est bénéfique aux finances étatiques et au commerce), la plus sociale (elle permet facilement l’interaction), la plus propre (son impact sur l’espace public est très positif), la plus saine (pas d’externalité négative en termes de qualité de l’air). Elle est un bienfait pour la santé[2]. Elle est gratuite pour toutes et tous. Elle est l’alliée des transports collectifs. Elle est la meilleure réponse dans la lutte contre le changement climatique et la pollution de l’air ainsi que par rapport aux problèmes de sécurité routière.
Investir dans la marche à pied et la condition piétonne s’avèrent hautement rentables au regard de son rapport coût/bénéfice. Le / la piéton·ne contribue largement au développement économique, social, sanitaire, culturel et touristique d’une région. Pour ce faire, la marche à pied doit être attractive et accessible à toutes et à tous.
La marche, ce n’est pas que se déplacer, c’est aussi séjourner. Dans une ville dense comme Bruxelles, offrir un espace public de qualité est important surtout pour garder suffisamment de familles en ville (challenge de la ville aux enfants[1] [3]) ou pour répondre aux défis du vieillissement de la population.
Axe 1 : Répondre aux besoins vitaux des piétons et piétonnes
Les piéton·ne·s ont des exigences de qualité minimales afin de pouvoir se déplacer en ville. Ces exigences sont au nombre de 4 :
Qualité des revêtements. Un revêtement de qualité est nécessaire pour assurer une accessibilité à toutes et tous. Quand on se déplace avec une poussette, un rollator ou un caddie, le moindre centimètre fait la différence.
Nos demandes :
- Respecter les prescriptions du plan régional de mobilité Good Move : qualité de confort de minimum 8/10 pour le réseau PLUS et Confort et minimum 6/10 pour le réseau Quartier et mettre en conformité l’ensemble du réseau PLUS d’ici à 2030.
- Définir dans les rues historiques de Bruxelles un aménagement alliant patrimoine et accessibilité/confort.
Largeurs des trottoirs. Nous partons du postulat qu’une personne doit pouvoir se déplacer en rue avec un enfant dans chaque main.
Nos demandes :
- Une largeur minimale absolue du trottoir ou du cheminement piéton de 2 mètres sans obstacles.
- En particulier dans les lieux fréquentés (réseau PLUS et Confort) une largeur de 3m voire 3m 40 minimale.
Gênes. Pour le moment, le trottoir est considéré comme le déversoir de la voirie : parcmètres, poteaux, panneaux d’information et de signalisation temporaires ou non, panneaux, publicité, poubelles, trottinettes, véhicules mal stationnés. Or un cheminement continu, sans détour, doit être garanti, les piéton·ne·s n’étant pas, contrairement à ce que l’on croit, hyper flexibles.
Nos demandes :
- Assurer en permanence un cheminement de 2 mètres minimum sans obstacle.
- Enlever tout le mobilier urbain qui n’est pas dédié aux piéton·ne·s de l’espace qui leur est dédié : parcmètre, panneaux de signalisation routière temporaire et permanents, bornes de recharge pour véhicule électrique,...
- Mieux contrôler les terrasses et faire en sorte qu’elles assurent en permanence un cheminement d’un strict minimum de 2m et de 3m, voire 3m40 sur le réseau Confort et Plus.
- Mettre en place un système de collecte de déchets au moyen des conteneurs enterrés, sur les places de stationnements, pour éviter les gênes occasionnées par les sacs poubelles traînant chaque semaine dans les rues.
- Dans les rues trop étroites, où il n’est pas possible d’assurer cette largeur de trottoir, nous demandons d’aménager ces rues en zone de rencontre sécurisée (peu de parking, ralentissement physique de la circulation, espace pour les jeux, etc.)
Traversées sécurisées : beaucoup trop de collisions avec les automobilistes ont lieu sur les passages piétons. De plus, la priorité aux piéton·ne·s sur les passages piétons n’est souvent pas respectée par les autres usagers de la route (voitures, vélos, trottinettes, motos…). Le code de la route ne suffit pas à garantir aux piéton·ne·s une traversée sécurisée. Des mesures supplémentaires doivent donc être mises en œuvre pour assurer une traversée sécurisée.
Nos demandes :
- Assurer l’impossibilité de se garer à 5 m en amont et en aval du passage piéton que ce soit au moyen de potelets, plantation basse, oreilles de trottoir, drop zones ou arceaux vélos.
- Une sensibilisation accrue incitant à l’obligation pour toutes et tous (automobilistes, cyclistes, trottinettes, motards…) de ralentir avant les passages piétons et de laisser la priorité aux piéton·ne·s traversants.
- Ralentir physiquement le trafic motorisé.
- Rendre les dépassements impossibles devant un passage piéton sans feu de signalisation.
- Rendre toutes les traversées accessibles pour les besoins des piéton·ne·s les moins mobiles sur l’ensemble du réseau PLUS d’ici 2030.
- Décourager les véhicules massifs de type SUV de se rendre sur le territoire bruxellois à travers une taxation kilométrique, une taxation stationnement, une taxe de mise en circulation ou tout autre moyen décourageant. (tel une Low Danger Zone)
Axe 2 : Mettre en place des incitants à la marche
Il y a encore du potentiel pour développer la marche à Bruxelles. Il représente déjà le premier mode de déplacement et encore plus en considérant le fait que toute personne qui se déplace en voiture, à vélo ou en transport en commun réalise une partie de son déplacement à pied. Bruxelles est une ville à dix minutes. Cependant, une ville à dix minutes n’est praticable que si les conditions de la marche sont réunies.
Application et développement du principe STOP (ordre de priorité piéton·ne·s - vélos - transports en commun - transport privé) : pour le moment ce principe reste fort théorique et n’est que peu défini malgré le fait qu’il figure dans différents volets réglementaires.
Nos demandes :
- Mieux définir le principe STOP et intégrer les nouvelles mobilités dans ce principe, notamment le MAAS (Mobility as a service) pour arriver au modèle STOMP.[4]
- Respecter le principe STOP dans les aménagements ainsi que lorsqu’un arbitrage est nécessaire dans la spécialisation multimodale des voiries.[5]
- Globalement, le principe STOP doit également être inclus dans le vocabulaire (ex : rue ouverte au public plutôt que rue fermée à la circulation automobile) et notre façon de penser.
Continuité des cheminements (réseaux) et des maillages fins : afin d’augmenter la part des déplacements, il est essentiel de développer les réseaux piétons. Un beau cheminement, s’il est coupé par une barrière - que ce soit un chemin de fer, une grande route, un chantier - est beaucoup moins intéressant pour les piéton·ne·s. Ce cheminement doit également inclure les détours.
Nos demandes :
- Pour tout nouveau projet d’aménagement / quartier, éviter tout détour de plus de 250 m et tendre à une porosité du bâti tous les 50m.
- Rendre les barrières urbaines (canal, métro, train, autoroutes urbaines) perméables au moyen de passerelles ou tunnels sécurisés (espace assez large et dédié aux piéton·ne·s) et agréables à pratiquer (assez de luminosité, espace décoré, ...).
Traversées et partage de l’espace public : Le/la piéton·ne doit être prioritaire sur l’espace public et la traversée doit être la prolongation du cheminement piéton.
Nos demandes :
- Principalement sur les réseaux piétons PLUS et Confort aménager au maximum des trottoirs traversants.
- Créer davantage de zones de rencontres où les piéton·ne·s peuvent se déplacer librement sur toute la rue, où le jeu est autorisé, le stationnement limité et où le reste du trafic est physiquement ralenti.
- Limiter la vitesse dans les zones de rencontre à 15km/h. C’est particulièrement important pour faire en sorte que les enfants puissent jouer dans l’espace public.
Développement et entretien des voies lentes : Les voies lentes représentent 800 km de voies exemptes de circulation motorisée.
Nos demandes :
- En application du plan régional de mobilité, rattacher le réseau des voies lentes au réseau Quartier et veiller à son entretien
- Analyser dans chaque commune la potentialité de développer et entretenir les voies lentes.
Rééquilibrage de l’espace public : en moyenne à Bruxelles, 58 % de l’espace public est occupé par la voiture que ce soit pour les déplacements ou le stationnement, en sachant qu’une voiture privée moyenne est inutilisée 95% du temps.
Nos demandes :
- Rééquilibrer l’espace public en faveur des piéton·ne·s et en profiter pour offrir une largeur confortable (voir supra) ainsi que du mobilier urbain (toilettes publiques, bancs, espace de jeux) et de la végétation haute.
- Analyser la potentialité à développer des zones de rencontre de plain-pied où la circulation motorisée est physiquement ralentie et le parking fortement réduit.
- Réduire le volume du trafic automobile, que ce soit au moyen de plans de circulation ou tout autre méthode permettant cette réduction et réduire l’offre de parking, particulièrement en voirie.
Temps d’attente aux feux rouges : les feux de signalisation sont rarement réglés sur les piéton·ne·s qui doivent souvent attendre trop longtemps.
Nos demandes :
- Calibrer les feux selon les besoins des piéton·ne·s et mettre en place un temps d’attente de maximum 30 secondes.
- Adapter l’horaire des feux en fonction des heures de pointe.
- Recalculer la vitesse de déplacement des piéton·ne·s de 1,20 m par seconde à 1m/s voire 0,8m/s pour rallonger la durée du feu vert.
- Aux carrefours tester et analyser le “vert intégral” là où c’est possible.
Magistrales : Les magistrales sont des boulevards pour les piéton·ne·s, un espace où la déconnexion est possible, où l’on peut marcher sur de longues distances aussi avec des enfants ou pour des personnes âgées.
Nos demandes:
- Réaliser au moins 2 magistrales d’ici 2030 (Tour & Taxi, Steenweg ou Louise)
- Avoir lancé les études pour les 3 magistrales restantes.
- Étendre la magistrale Louise jusqu’au bois de la Cambre.
Connection avec les transports en commun : Encore plus que la voiture ou le vélo, chaque usager des transports en commun réalise une partie de son trajet à pied. C’est pourquoi nous appelons à continuer à développer les transports en commun et leurs abords à Bruxelles.
Nos demandes :
- Veiller à mettre en accessibilité les cheminements vers les arrêts de transports en commun, en priorité les arrêts STIB déjà rendus accessibles.
- Mettre en accessibilité ou créer des quais pour l’ensemble des arrêts TEC et De Lijn.
- Développer le réseau des transports STIB en particulier les lignes en rocade.
- Développer le réseau SNCB et faire en sorte que chaque point d’arrêt soit desservi par un minimum d’un train toutes les 30 minutes.
- Créer des lieux d’intermodalité ou le transbordement est accessible et direct (connexion train/tram/métro,...)
Résilience de l’espace public face au dérèglement climatique : nos villes doivent répondre aux enjeux du dérèglement climatique (vague de chaleur, vents violents, épisodes de forte pluie). Or les piéton·ne·s sont très sensibles aux éléments.
Nos demandes :
- Planter suffisamment d’arbres à tige haute et maintenir au maximum les arbres existants afin de rafraîchir l’espace public en cas de vague de chaleur tout en maintenant une largeur suffisante du cheminement piéton.
- Placer des fontaines à eau potables à intervalles réguliers ainsi que des jeux d’eau pour se rafraîchir.
- Déminéraliser les places de parking et veiller à la bonne gestion des eaux de pluie.
- Analyser l’impact du vent causé par les constructions hautes.
Développer l’environnement urbain : Les piéton·ne·s sont très sensibles au milieu qui les entoure. Afin d’attirer plus de piéton·ne·s sur l’espace public, celui-ci doit devenir un lieu de jeux, de sport, de culture, et d’interaction sociale.
Nos demandes :
- Créer des éléments de jeux sur les cheminements piétons (activation de murs, petits éléments ludiques, peintures aux sols, ...)
- Intégrer des éléments sportifs (plan running, mobilier sportif varié et inclusifs, ...)
Axe 3 : pour une marche inclusive
Qu’on se déplace avec une poussette, une canne ou un fauteuil roulant, tout le monde est piéton et piétonne. Pourtant l’espace public n’est pas encore adapté à toutes et à tous, et ce malgré l’intégration de gender mainstreaming ou de handistreaming dans la politique bruxelloise.
Nos demandes :
- Intégrer dans les politiques piétonnes les questions de discriminations que ce soit lié à l’âge (ville aux enfants ou villes pour personnes âgées), au genre et aux questions LGBTQIA+, à l’origine, à la classe sociale (en intégrant notamment les questions de logement aux politiques de mobilité) et aux PMR
Axe 4 : gouvernance, mettre en place des actions à l’échelle fédérale, régionale et communale pour développer la marche
Bien que le potentiel de la marche se développe essentiellement sur le niveau communal, tant la région que le fédéral ont des leviers pour améliorer sensiblement la condition piétonne.
Nos demandes aux niveaux régional et communal :
- Nous invitons la région et les communes à mettre en place un poste de “référent marche” au sein de l’administration.
- Chaque commune devrait également créer une feuille de route piéton et accessibilité en application du plan régional de mobilité Good Move. Cette feuille devrait prévoir une analyse et un plan d’entretien des voiries sur 12 ans afin d’arriver à un confort optimal et une accessibilité garantie pour les piéton·ne·s.
- "Meten is weten" : récolter beaucoup plus de données à propos des piétons (flux, nombre, directions
- Transférer les compétences de la mobilité et des travaux publics des communes vers la région.
- Réaliser des campagnes de sensibilisation aux bienfaits et à l’efficacité de la marche.
Nos demandes au niveau fédéral :
- Mettre en place une prime marche pour les employé·es,
- Mettre fin au régime des voitures de société,
- Réduire la masse (taille) des voitures.
- Augmenter la fréquence des lignes S (au minimum un train toutes les 30 minutes par point d’arrêt à Bruxelles)
- Mettre en place une taxation zonale/taxe intelligente pour les véhicules particuliers à base de leur masse et taille.
- Interdire le stationnement des motos / cyclomoteurs sur le trottoir en changeant le code de la route.
Pour aller plus loin :
Cahier Go 10 : dix principes pour garantir la marche Charte sur les revêtements piétons Cahier de l'accessibilité piétonne Guide pour la valorisation des voies lentes en RBC
info@walk.brussels
+32 470 83 22 20
[1] Principe qui définit l’ordre de priorité pour les modes de transport dans les aménagements et les choix de mobilité (Stappen, Trappen, Openbaar vervoer, Privé vervoer – marche, vélo, transport en commun, transport privé) [2] Prenons notamment l’obésité des adultes qui est passée de 9,2% de part de la population à Bruxelles en 1997 à 13,9% en 2018. La marche permet de pratiquer facilement les 30 minutes d'exercice par jour recommandée par l’OMS. [3] Voir à ce propos l’ouvrage, « la ville aux enfants, pour une [r]évolution urbaine » de Francesco Tonucci. [4] https://www.crow.nl/downloads/pdf/mobiliteit/brochure-toepassen-stomp_jan-2023.aspx?ext=.pdf [5] A Bruxelles, la voirie est divisée en trois catégorie pour tous les modes de déplacement PLUS (voiries principales), Confort (connexions), et Quartier (desserte fine)
Comments