Cyclopartage en flotte libre
Recommandations du CAWaB et de la plateforme WALK
Nos trottoirs et espaces publics sont régulièrement encombrés par des voitures mal garées, des panneaux publicitaires, des poubelles, des panneaux de signalisations temporaires ou non, les poubelles, les horodateurs…
A cette longue liste des gênes et des situations dangereuses pour les piétons et les PMR se sont ajoutés ces dernières années de très nombreux engins de mobilité en flotte libre.
Ces engins de mobilité en flotte libre lorsqu’ils sont mal stationnés constituent des obstacles pour certains, qui doivent les contourner, les éviter, voire les enjamber. Pour d’autres ils représentent un réel danger, comme les personnes déficientes visuelles qui ne les détectent pas toujours à temps ou les personnes se déplaçant en fauteuil roulant ou les parents avec poussettes qui doivent descendre sur la chaussée circulée par les véhicules automobiles.
En abandonnant une trottinette, un vélo ou un scooter au milieu du trottoir, les utilisateurs de ces engins de micromobilité ne respectent pas le Code de la route qui stipule qu’ « Il est défendu de gêner la circulation ou de la rendre dangereuse, soit en jetant, déposant, abandonnant ou laissant tomber sur la voie publique des objets, débris ou matières quelconques (…) soit en y établissant quelque obstacle ».
Les besoins des piétons et des personnes à mobilité réduite étant complémentaires, le CAWaB (Comité d'Accesiblité Wallonie Bruxelles) et la plateforme walk se sont associés pour rédiger ces recommandations à l’attention des décideurs en cette fin d’année 2022. En effet, tant à Bruxelles qu’en Wallonie les gouvernements prennent les arrêtés d’exécution des ordonnance et décret, visant à définir les règles d’exploitation des services de cyclopartage en flotte libre.
Il y a dès lors une opportunité aujourd’hui d’enfin garantir aux piétons que les engins de micromobilité ne mettrons à l’avenir plus à mal la sécurité et l’accessibilité de l’espace public et des trottoirs.
Suite en dessous de la photo
Recommandations :
· Interdire le stationnement des engins de mobilité partagée sur les trottoirs et cheminements piétons et imposer le stationnement de ces engins dans des dropzones.
· Définir l’emplacement des dropzones, en dehors des trottoirs et des cheminements piétons, de préférence sur les places de parking
· Pour les cas où il n’est pas possible de placer les dropzones en dehors des espaces dédiés aux piétons, nous recommandons aux gestionnaires de voiries de rédiger un arbre décisionnel organisant les conditions de mise en œuvre de ces emplacements en collaboration avec un bureau spécialisé en accessibilité.
· Déterminer un nombre maximal d’engins autorisés par drop-zone.
· Limiter le nombre d’engins en circulation sur le territoire en fonction du nombre de m² de drop-zones disponibles.
· Afin d’éviter les engins couchés au sol, y compris dans les dropzones, prévoir des arceaux.
· Renforcer les contrôles sur le terrain afin de réduire les délais d’intervention lors d’un mauvais stationnement & imposer des sanctions immédiates en cas d’infraction.
· Automatiser le signalement aux opérateurs de la présence des engins de micromobilité dont une session serait clôturée en dehors des zones de stationnement dédiées. Lier ce signalement à des sanctions systématiques.
· Assurer la transmission instantanée des signalements de stationnement gênant ou dangereux réalisés par les citoyens vers les opérateurs par un canal dédié.
· Imposer la mise à disposition de personnel disponible 24h/24, 7j/7 ayant pour mission de répondre aux demandes de repositionnement des trottinettes mal stationnées.
Principe de « flotte libre » et son impact sur les piétons et personnes à mobilité réduite
Le principe de flotte libre, sans dropzone, n'est pas compatible avec une visée d'accessibilité universelle et des principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes en situation de handicap. Rappelons un des principes de cette convention en son article 9 « […] Les États Parties prennent également des mesures appropriées pour : 1. leur assurer, sur la base de l’égalité avec les autres, l’accès à l’environnement physique, Ces mesures, parmi lesquelles figurent l’identification et l’élimination des obstacles et barrières à l’accessibilité, s’appliquent, entre autres : à la voirie ; […] 2. a) Élaborer et promulguer des normes nationales minimales et des directives relatives à l’accessibilité des installations et services ouverts ou fournis au public et contrôler l’application de ces normes et directives ; b) Faire en sorte que les organismes privés qui offrent des installations ou des services qui sont ouverts ou fournis au public prennent en compte tous les aspects de l’accessibilité par les personnes handicapées »).
En l’absence de zones de stationnement définies physiquement dans les rues et numériquement dans les applications de micromobilité (dropzones), il doit être interdit d’offrir un service de mobilité (voir argumentaire ci-dessous).
Les personnes à mobilité réduite sont particulièrement et directement impactées par le stationnement des engins sur les trottoirs. Nous recevons en effet régulièrement des retours d’associations et de citoyens concernant les gênes et mises en danger occasionnées par les engins de micromobilité sur les trottoirs.
Focus sur les dropzones
L’expérience démontre que les dropzones mises en œuvre sur les trottoirs débordent rapidement au détriment des cheminements piétons.
Les dropzones doivent se situer en priorité en lieu et place du stationnement prévu en voirie pour les véhicules motorisés. De nombreux emplacements illégaux en amonts de passages piétons ont été identifiés et peuvent être convertis en stationnement vélo et cyclopartage.
Lorsque cela n’est techniquement pas possible (et uniquement dans des cas où il n’y a pas de stationnement auto), ces dropzones doivent être marquées au sol et suffisamment éloignées des traversées piétonnes, des lignes guides podotactiles ou lignes guides naturelles utilisées par les personnes aveugles ou déficientes visuelles (minimum 2,5m à prévoir, notamment en raison du manque de précision de la géolocalisation des engins par satellite).
Afin d'éviter des débordements d’engins de micromobilité en dehors de ces dropzones, prévoir des mesures de protection (ex : barrières) aux abords des traversées piétonnes. Pour ces mêmes raisons, il faudrait prévoir un nombre maximal d'engins autorisés par dropzone. Enfin, prévoir un amarrage nous semble opportun.
Le CAWaB et Walk s’inquiètent également que les contraintes et conditions de mise en œuvre des dropzones (tous les 300m maximum) n’encouragent pas les gestionnaires de voiries à les implémenter et que ceux-ci privilégient dès lors le régime de stationnement libre.
Vers une limitation raisonnée du nombre d’engins de micromobilité sur un territoire
Nous recommandons de fixer des limites en termes de nombres d’engins déployés sur un territoire.
Pour cela, il nous parait nécessaire de ne pas autoriser l'exploitation de plus d’engins de micromobilité qu’il n’y a de places prévues dans des zones de stationnement spécifiques (dropzones). Ceci permettrait d’augmenter progressivement le nombre d’engins disponibles, tout en respectant les objectifs visant à ne pas entraver la mobilité des piétons et des personnes à mobilité réduite.
Modalités relatives au contrôle et aux moyens de signaler les engins mal garés
La technologie de géolocalisation permet aux opérateurs et au gestionnaire d’identifier la position d’un engin lorsqu’une session est clôturée par un utilisateur.
Lorsqu’une session est clôturée en dehors d’une dropzone, l’opérateur devrait se voir automatiquement notifié par la région. Il disposerait d’un délai court pour agir. Après quoi une amende doit être infligée.
Le CAWaB et Walk demandent que les signalements soient dès lors automatisés et que ceux-ci ne reposent pas uniquement sur l’action des usagers des trottoirs. Les opérateurs doivent être contraints de proactivement déplacer les engins identifiés en dehors des dropzones.
Les règles de stationnement doivent être complétées par des modalités relatives à l’enlèvement des engins mal stationnés.
Il faut par ailleurs maintenir la possibilité pour les citoyens de signaler aisément un engin mal garé (par exemple via : une application mobile, un numéro vert, une adresse mail). Les informations et procédures de signalement pour les non-utilisateurs en cas de stationnement gênant doivent être présentes sur tous les engins mis en circulation.
Pour la Région Wallonne, il faudrait cependant déterminer une procédure claire et uniforme à l'échelle de la région pour que les engins signalés soient enlevés dans un délai court.
En prévoyant un canal dédié aux signalements de stationnement gênant ou dangereux par les citoyens. Que ce canal soit en flux direct, 24h/24 vers l’opérateur et qu’un monitoring de ces plaintes soit effectué par les autorités compétentes dans le but de sanctionner les opérateurs qui ne réagissent pas rapidement à un signalement et si nécessaire, en revoir la licence. Nous demandons en effet que les sanctions prévues soient appliquées en cas de stationnement gênant et de non-respect du délai d’enlèvement.
Le délai pour l’enlèvement d’un engin stationné de manière gênante devrait être ajouté comme indicateur de performance à évaluer pour l’octroi ou le retrait d’une licence.
Enfin, il faudrait imposer aux opérateurs un autocontrôle du stationnement au moyen de photos prises par l'utilisateur dans le cadre du processus de fin de location.
Concernant les besoins des usagers de trottinettes en termes d’offre
Il y a lieu de mettre en balance l’impact sociétal des engins de micromobilité et leur impact sur la mobilité des piétons et des personnes à mobilité réduite. Les investissements nécessaires pour rendre les trottinettes et autres engins en flotte libre inclusifs sont très grands. Les avantages qu’offre le principe de flotte libre sont-ils aussi nombreux ? Seul ce travail détaillé de mise en balance, au moyen d’études démontrant les objectifs poursuivis et l’impact de l’offre sur ces objectifs permettra de le déterminer.
Plus globalement, un réel travail de rééquilibrage de l’espace public est nécessaire. Seuls un espace public de qualité, un cheminement continu et une accessibilité garantie permettront de développer une ville qui répond aux défis de ce XXIème siècle.
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